1908-1992
France

Biographie

Messiaen naît dans un univers littéraire : sa mère, Cécile Sauvage, est poétesse, elle écrit en attendant sa naissance L’Âme en bourgeon, recueil que Messiaen jugera déterminant pour sa destinée ; son père, angliciste et intellectuel prolifique, traduit Shakespeare. De sa première enfance, Messiaen retient les montagnes du Dauphiné, où il retournera régulièrement, le théâtre de Shakespeare, et la découverte de Mozart, Gluck, Berlioz et Wagner au travers des partitions d’opéra qu’il demande en cadeau.
Il entre en 1919 au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, où il étudie l’orgue et l’improvisation, mais aussi le piano et la percussion, le contrepoint et la fugue, l’accompagnement au piano, l’histoire de la musique, la composition. Ses maîtres sont Paul Dukas, Maurice Emmanuel et Marcel Dupré./.../ Source (Brahms/IRCAM)

Olivier Messiaen et le piano

"Le piano-percussion d'Olivier Messiaen

"Créateur du piano contemporain"*, Olivier Messiaen (qui était apprenti percussionniste lors de ses études au conservatoire) aimait argrémenter ses pièces pianistiques de "carillons" d'accorde et de rythmes "brillants, scintillants" ("Amen de la Consommation" extrait des 'Visions de l'Amen' - 1943; treizième, quinzième et vingtième des 'Vingts Regards sur l'Enfant Jésus' - 1944). Mais en dehors de ces observations d'ordre dynamico-harmonique, les caractéristiques percutantes du piano peuvent provenir de plusieurs origines, la palette allant de quelques sources extra-européennes ('Danse orientale' extraite des 'Vingts Regards sur l'Enfant Jésus') à des considérations d'ordre instinctivo-acoustique, de la quête de couleurs ** (timbriques ou bruiteuses) à des recherches exclusivement rythmiques***, des jeux de correspondance concrète à certaines émanations percussives abstraites ****.



Au niveau purement figuratif, mentionnons - parmi maints exemples possibles - cet objet sonore trillé figurant la granulation d'un roulement de tambour voilé dans le douzième des 'Vingt Regardd sur l'Enfant Jésus' ou ce solo de la main gauche dans l'extrême grave noté "très sec, percuté, comme une timbale grave" au coeur de la partition de 'La Chouette Hulotte', extraite du 'Catalogue d'oiseaux' (1956-1958). Quant au rapport métallique à la percussion joué au piano, signalons ce chant aigu du Chardonneret qui trône dans le 'Traquet Stapazin' inséré dans le 'Catalogue d'oiseaux' avec ce paratexte : "très clair comme un glockenspiel". Ecoutez également dans ce recueil de Messiaen les sonorités du gamelan nalinais demandées dans la partition du 'Merle bleu'. Le piano doit aussi jouer "comme des cloches" ou sonner "comme un tam-tam" dans 'Adieu', septième pièces d''Harawi' (1945). Le tam-tam sera aussi convoqué dans le douzième et dans le seizième des 'Vingt Regards sur l'Enfant Jésus'.

En dehors de 'Cloches d'angoisse et larmes d'adieu', partition incluse dans les 'Huits Préludes' (1928-1929) de jeunesse de Messiaen, les cloches (à cause du "mystère extraodinaire" qu'elles engendrent) sont présentes également dans le jeu pianistique de la 'Lumière de la vie' qui inaugure 'Les Visions de l'Amen' ainsi que dans "l'Amen du jugement" (sixième pièce du même recueil). Des sonorités identiques seront à étudier dans le "Regard de l'étoile", deuxième des 'Vingt Regards sur l'Enfant Jésus'... Olivier Messiaen a emprunté au monde de la percussion le technique de l'impact franc et de la résonance prolongée. Dans "Noël", treizième des 'Vingt Regards sur l'Enfant Jésus', un trait joué "staccato doit être percuté "comme un xylophone"***** ...

De même, le chant de Liothrix de Chine inscrit dans la première cadence des 'Oiseaux exotiques' (1955) doit résonner avec une sonorité "proche du temple-block". De plus, dans la partie médiane du 'Réveil des oiseaux' (1953), le pianiste doit pouvoir évoquer aussi le son des castagnettes. A l'image des colorations instrumentales plénières (du type de l'orgue ou des ondes Martenot) que le compositeur affectionnait particulièrement, les divers exemples, certes non exhaustifs, montrent que le piano de Messiaen est traité généralement comme un "timbre global" qui "cliquette, tinte, percute" ******. L'organiste ornithologue a du reste avoué avoir joué du piano comme s'il dirigeait un ensemble instrumental, en faisant du clavier un faux complexe orchestral. Dans ce cadre embrassant tous les registres et intégrand une grande palette de timbres et d'attaques, le musicien a aussi parfois considéré le piano comme un substitut tangible de l'orgue, usant de ses fameux "accords en grappes" comme de rééls jeux de mixtures."



* Expression d'Yvonne Loriod, "Etude sur l'oeuvre pianistique d'Olivier Messiaen", 'Portrait(s) d'Olivier Messiaen', Paris, Bibliothèque Nationale de France, 1996

** cf Pierre-Albert Castanet, 'Le piano-couleurs d'Olivier Messiaen', texte du CD enregistré par Alice Ader, PIA 504-2, Paris, Agon / Pianovox, 1998

*** cf. Michèle Reverdy, 'L'Oeuvre pour piano d'Olivier Messiaen', Paris, Leduc, 1978

**** cf. Pierre-Albert Castanet, ' Le "Piano-Galaxie" d'Olivier Messiaen - du "Piano-Percussion" à la "Percussion-Piano"', Rouen, Les Cahiers du CIREM n°47-48, juin 2003, p.81-100.

***** Idem dans la "Nativité" terminant ce même recueil de Messiaen.

****** Michèle Biget, 'L'homme aux claviers', Rouen, Les Cahiers du Cirem n°47-48, juin 2003, p. 7 et 8



Pierre-Albert Castanet, 'L'incarnation percussive du "piano contemporain", in Ziad Kreidy, Clefs pour le piano/Keys for the piano", Aedam Musicae, 2018, p.286

Instrument(s) étudié(s) : orgue; piano; percussion

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